L'HYPNOSE DANS LE TRAITEMENT DU PSORIASIS
Présenté par le Alain Rios, infirmier et psychothérapeute.
Tiré du livre L'hypnose en psychosomatique.
Pour GUÉRIR, le passage par l’émotion est une étape incontournable et, tout au long du travail, l’attitude du thérapeute fait partie de l’alchimie qui permet le passage à la guérison. En effet, le thérapeute dirige l’attention du patient vers le ressenti car un ressenti, éprouvé au moment du choc et qui est refoulé, devient le déclencheur de la maladie (du symptôme). Le repérer, pendant que le patient revit son histoire, permet de lui donner une forme salutaire.
Le psoriasis est une maladie dont les causes multiples sont encore mal connues et mal maîtrisées. Cependant, il est considéré comme une dermatoses psychosomatique où « le symptôme corporel s’interprète comme un équivalent somatique de l’émotion, relativement peu structuré, fondamental et vital ». Aucune médecine actuelle ne sait lutter contre cette maladie. Aujourd’hui, les seules réponses pharmaceutiques ou médicales ont toutes le même objectif : blanchir le psoriasis et faire disparaître (plus ou moins) les traces.

C’est une maladie chronique dont l’évolution est imprévisible. A l’origine des premières poussées, on note souvent des émotions fortes, des deuils, des ruptures affectives, des accidents ou des chocs physiques. Selon Haynal et Pasini, « les conflits intrapsychiques participent au déclenchement de la maladie. Celui-ci est souvent consécutif à une perte, à une séparation, à une déception à l’égard de soi-même ».
En décodage biologique, le psoriasis est le résultat d’un conflit de double séparation. Pour un psoriasis, il faut au moins deux conflits de séparation dont un conflit actif, l’autre en guérison (deux événements différents). A ce moment-là, les plaques de psoriasis apparaissent.
CAS CLINIQUE - Jessica
par Alain Rios
Une maman se présente au cabinet avec sa fillette de huit ans qui se prénomme Jessica. Depuis deux ans, Jessica a un psoriasis au niveau de la conque, sur le bord externe du conduit auditif des deux oreilles. Son papa est chauffeur routier international et sa maman fait des ménages le matin et du repassage à domicile l’après-midi, sauf le mercredi et le week-end.
Depuis l’âge d’un an, c’est la grand-mère maternelle qui garde Jessica de 7h30 jusqu’à 18h30. Plus tard, c’est elle qui l’accompagne à la maternelle et qui vient la chercher à la sortie de l’école. La maman ne récupère sa fille qu’à partir de 18h30.
Une nuit, la grand-mère fait un malaise et décède dans son lit d’un arrêt cardiaque. Jessica a alors quatre ans et demi. Elle ne comprend pas pourquoi sa mamie est partie au ciel. Elle se sent abandonnée. Elle a beaucoup de chagrin (la maman me dit qu’il lui a fallu une bonne année pour s’en remettre). (Premier conflit de séparation).
Le grand-père prend le relais et s’occupe de sa petite-fille. Le temps passe... La vie s’écoule tranquillement...
Et un beau jour, aux alentours de six ans, Jessica a des démangeaisons au niveau des conduits auditifs et, quelque temps après, s’ensuit la formation de petites croûtes blanchâtres, caractéristiques du psoriasis.
Jessica est malheureuse... On lui pose des questions sur ses oreilles : « Qu’est-ce que tu as ? », « Ça ressemble à des bouchons, c’est quoi ça ? »
Elle a honte et cache maintenant ses oreilles derrière ses cheveux alors qu’elle aimerait tant, comme ses copines, porter une queue de cheval ou des tresses. La maman consulte successivement un généraliste, un ORL, un dermatologue, puis de nouveau un généraliste. Rien ne change. Finalement, conseillée par une amie dont j’ai soigné le mari pour des migraines, elle veut faire soigner sa fille par l’hypnose.
Elle demande conseil à son médecin qui lui déclare : « Attention, l’hypnose, c’est dangereux ! Il ne faut pas en abuser, ça peut être très dangereux... On peut vous conditionner, vous rendre dépendante... Moi, à votre place... Enfin, c’est à vos risques et périls !!! » (Propos enregistrés au cabinet).
Elle prend peur et attend... Et pour Jessica, toujours pas d’amélioration. Son amie augmente la pression, lui propose de l’accompagner et, finalement, elle prend rendez-vous avec moi. Et me voilà donc avec cette fillette devant moi, la maman est assise dans le hall près de la porte vitrée du cabinet (porte que j’ouvrirai quand sa fille entrera en hypnose) et l’amie attend dans la salle d’attente.
Jessica me connaît car il y a eu une première séance pour qu’elle se familiarise avec l’hypnose et pour rassurer la maman. Je demande à Jessica ce qu’elle aime le plus. Elle me répond : « Être libre, courir dans la ferme au milieu des animaux, garder les chèvres avec grand-père qui maintenant est seul depuis que la mamie est au ciel... (elle continue en ajoutant) A la ferme, je mets un bandeau dans mes cheveux, je ne cache pas mes oreilles... ». (Me voilà agréablement surpris, elle entre dans le vif du sujet).
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Thérapeute : « Et quand tu dis cela, qu’est-ce qui te vient, qu’est-ce que tu ressens en toi ? »
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Jessica : « Je suis toute contente. »
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T. : « C’est bien, profite bien de cette joie en toi maintenant et laisse défiler toutes les images de la ferme... » (Elle se ressource).
« Et puis à la ferme, que se passe-t-il encore ? »
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J. : « Mon papi m’apprend à écouter les oiseaux et à les reconnaître par leur chant. Et en rentrant des champs avec les chèvres, je cueille des fleurs et je les mets devant la photo de mamie sur le buffet. Je l’aime beaucoup ma mamie et je sais que je ne la reverrai plus. Mais mon papi dit que c’est la vie... » (Premier conflit en guérison).
(Tandis qu’elle dit cela, elle fixe le mur et ferme les yeux comme pour mieux voir les détails de cette vie à la campagne avec le grand-père.)
J’enchaîne :
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T. : « C’est bien, derrière tes paupières fermées, profite bien de tous ces souvenirs... Et tout en me parlant, remarque comme ton corps se relâche et devient lourd dans le fauteuil. Pendant que tu penses à tous ces moments merveilleux à la campagne avec ton papi, tu prends toutes les forces dont tu as besoin... » (Elle est entrée seule en hypnose et je lui permets de ressourcer avant de la guider vers le traumatisme).
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T. : « Et maintenant, peut-être que... tu peux te souvenir de la dernière rentrée des classes où tu as retrouvé toutes tes copines... »
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J. : « Oui, c’est super ! »
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T. : « Et quand tu dis que c’est super, qu’est-ce que tu ressens dans ton corps ? »
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J. : « Ça fait chaud. »
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T. : « Bien, profite de cette agréable chaleur... Et maintenant, si tu voulais, peut-être que tu peux aussi laisser revenir des souvenirs plus anciens... d’une autre rentrée des classes... quand tu étais encore plus petite... » (Silence, elle fronce les sourcils).
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J. : « Oui, c’était bien, mais j’avais un peu peur... Je ne voulais pas laisser ma maman. »
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T. : « Et quand tu repenses à ce moment, c’est comment pour toi ? »
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J. : « J’ai envie de pleurer, mais je ne veux pas qu’on se moque de moi. » (Activation).
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T. : « Est-ce que tu veux revenir à un endroit plus confortable ? »
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J. : « Oui, chez papi. » (Encore la ressource).
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T. : « Bien... Et chez papi, où est l’endroit où tu te sens bien ? »
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J. : « Avec les chèvres dans les champs. »
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T. : « C’est bien, prends le temps et reste dans cet endroit que tu aimes tant... Tu peux même te voir suivre un papillon qui va de fleur en fleur pour butiner, c’est-à-dire se nourrir du nectar des fleurs. Et maintenant, si tu en as envie, peut-être que... tu peux retrouver des souvenirs encore plus anciens... »
(Long silence et, avec une pointe de colère, elle reprend :) -
J. : « Je ne veux pas aller à l’école... Je ne veux pas laisser ma maman... » (Elle pleure en silence. Décharge émotionnelle). « Je veux rester avec elle. »
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T. : « Et quel âge as-tu maintenant ? »
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J. : « J’ai six ans. »
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T. : « Bien... Prends conscience de cette émotion et laisse partir cette colère tandis que tu pleures... Et si tu veux, peut-être que... tu peux retrouver ton papi pour te consoler... »
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J. : « Je suis bien avec lui... Il m’aime fort... » (Et quelques instants après... grand soupir).
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T. : « Et maintenant, qu’est-ce que tu ressens ? » (Long silence... mouvements des doigts).
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J. : « Je n’aime pas Marcel... Je le déteste !!! »
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T. : « Ah bon ! C’est qui ? »
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J. : « Oui, il vient à la maison quand mon papa s’en va de bonne heure dans son camion. » (J’interroge la maman du regard. Elle rougit et acquiesce).
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T. : « Hum... » (Elle continue). « L’autre jour, j’ai entendu quand il a dit à ma maman “Arrange-toi pour te débarrasser de cette enfant quand je viens te voir. Laisse-la chez le vieux... Je ne veux pas d’elle entre nous.” » (Des larmes coulent sur ses joues. Elle se tordille sur le fauteuil. La régression est totale quand elle dit : « L’autre jour ». Notez bien qu’on est dans le deuxième traumatisme actif). (Il me faut calmer cette activation... Je continue).
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T. : « Et maintenant, est-ce que ça te ferait plaisir de retourner à la ferme de ton papi ? » (Elle hoche la tête). « Laisse revenir tous les beaux souvenirs de la ferme... » Je la laisse se ressourcer tranquillement et quand elle a un grand soupir, je continue :
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T. : « Vois-tu, Jessica, dans la vie il y a des moments qui nous font du bien et d’autres qui nous font beaucoup de peine... Quand on est petit, on ne comprend pas toujours les histoires des grands et tout ce qu’on voit, tout ce qu’on entend ça nous embrouille... » (Elle hoche la tête).
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J. : « Mais je sais que, quelles que soient les situations auxquelles tu fais face, ta maman t’aime très très fort, parce qu’une maman a tellement d’amour à donner qu’on en manque jamais... Et je sais que, toi, tu aimes ta maman encore plus fort que ça. »
A présent, Jessica respire calmement et je remarque les mouvements inconscients de ses petits doigts et je sais que c’est, là, le signe d’un travail intérieur profond. Et quand les mouvements cessent, je reprends à voix basse :
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T. : « Et maintenant Jessica, c’est comment pour toi ? »
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J. : « Je me sens seule. »
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T. : « Est-ce que tu te sens prête, là, maintenant, pour aller dire à ta maman que tu l’aimes très fort ? » (Elle dit oui de la tête).
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T. : « Bien, alors dans un moment, je vais compter jusqu’à 3 et, à 3, tes jambes vont se réveiller, tes bras aussi, tes yeux vont s’ouvrir et tu pourras parler à ta maman seulement pour lui dire que tu l’aimes très fort et, après, tu reviendras t’installer dans ce fauteuil et immédiatement tu sentiras ton corps redevenir lourd et tu entreras dans un état de relaxation très agréable. »
Je compte 1, 2, 3. Elle ouvre les yeux et elle se lève. Je l’accompagne, en lui tenant la main, jusqu’à sa maman. Jessica se jette dans les bras de sa mère en lui disant : « Maman chérie, je t’aime très fort. »
Des larmes coulent sur les joues de sa mère qui lui répond instantanément : « Moi aussi, ma chérie, je t’aime très fort... Je t’aime plus que tout au monde. » (Elle l’embrasse). Je lui fais signe de ne rien ajouter. Jessica se retourne vers moi et je la guide vers le fauteuil. Elle s’y installe et ses yeux se ferment.
Je continue : -
T. : « C’est bien. Retrouve à présent tout le calme dont tu as besoin et tous les souvenirs agréables qui te font plaisir... »
Après un long silence, je demande à Jessica : -
T. : « Et maintenant, Jessica, peux-tu me dire ce qui s’est passé dans ton corps quand ta maman t’a dit qu’elle t’aimait ? »
Jessica respire tranquillement et, seuls, les mouvements de ses doigts m’informent du travail intérieur. Et quand ces mouvements cessent, je poursuis :
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T. : « Et quand ta maman t’a dit : “Je t’aime plus que tout au monde” c’était comment pour toi ? »
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J. : « C’est encore comme une douce caresse dans mes oreilles. » (Voici l’instant de guérison, le changement de niveau. Jessica devient une petite fille différente).
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T. : « Très bien... Garde cette caresse très agréable dans tes oreilles... Garde-la très longtemps... Garde-la pour toujours... Et pendant que je garde le silence... tu t’installes à l’intérieur de toi comme tu le sens, au beau milieu de ce petit univers qui t’appartient, et tu profites pleinement, tranquillement de cette douceur intérieure... Tu peux prendre tout ton temps... Le temps nécessaire pour que ton inconscient réorganise... » (Silence). « Et lorsque tu auras fait ce que tu dois faire, un doigt de ta main droite va se lever ou, peut-être, toute la main va se lever. Car, il est parfois plus facile de lever toute la main que de lever un doigt. » (Long silence).
Il est très important d’accorder un temps de réorganisation. Erickson insiste sur l’importance de cette réassociation : « L’induction et le maintien d’un état de transe permettent l’accès à un état psychologique particulier dans lequel le patient peut réassocier et réorganiser ses complexités psychologiques internes et utiliser ses capacités propres, d’une manière qui soit en accord avec ce que lui a enseigné d’expériences... La thérapie est la conséquence d’une resynthèse intérieure, faite par le patient lui-même, sur sa manière de se comporter. Il est exact de dire que les suggestions directes peuvent opérer un changement dans le comportement du patient et aboutir à une cure symptomatique (au moins pour un temps). Cependant, une telle “guérison” n’est que la réaction à la suggestion et n’entraîne pas la réassociation ou la réorganisation des idées, des compréhensions et des souvenirs, pourtant essentielles à un vrai rétablissement. C’est par ces réorganisations et par ces réassociations effectives des expériences de sa propre vie que le patient favorise la guérison, et non par les manifestations d’un comportement réactionnel à une suggestion qui ne peut, au mieux, que satisfaire l’observateur. »
Jessica me fait signe en levant sa main et je m’adresse à elle en lui parlant à voix basse :
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T. : « Et tu peux maintenant, si tu le souhaites, te voir courir dans la campagne, un bandeau dans les cheveux et imaginer que bientôt tu pourras, comme tes copines, être coiffée d’une queue de cheval quand tu iras à l’école. »
Je laisse un temps de silence à Jessica après lui avoir dit que, quand elle en éprouvera le besoin, pour terminer cette séance, elle comptera mentalement de cinq à un avant d’ouvrir les yeux.
Fin de la séance.
Je demande à la maman de me donner des nouvelles dans trois semaines par téléphone, ce qui a été fait. Jessica n’a pratiquement plus de squames. Nous fixons un rendez-vous quinze jours plus tard.
Je la revois donc cinq semaines après la séance. Il n’y a plus rien. Je dis à Jessica : « C’est fini. Tu es guérie. »
Avant que la mère et la fille ne quittent mon cabinet, je demande à la maman de montrer Jessica à l’éminent généraliste conditionneur afin qu’il constate les ravages de l’hypnose.
Extraits tirés de l'ouvrage L'hypnose en psychosomatique, Actes du premier Congrès de l'Association Européenne des Praticiens d'Hypnose (2008 - Edition L'Harmattan)